mercredi 28 octobre 2009

Gaara ou la dépression psychotique

Genre mineur d'un genre mineur, les mangas ont longtemps été méprisés. Pourtant, ils présentent finement sous un mode dramatisé les difficultés d'évolution ou des impasses psychopathologiques que chacun est à même de rencontrer

Voici Gaara, un des héros du manga Naruto. Il y fait une entrée remarquée : démarche lente, économie des gestes, une immense jarre attachée dans le dos, des grands yeux cernés de noir. C'est un de ces adolescents dont on sent immédiatement la dangerosité. D'ailleurs, il le dit lui même : il ne vit que pour tuer. Et il ne combat que pour lui. Les autres sont pour lui au mieux des futures victimes. Généralement, il n'éprouve pour le monde qu'indifférence. Il a pour lui arme redoutable. De sa jarre s'échappe du salble qui peut prendre toute les formes pour attaquer ses ennemis ou pour le protéger.

Gaara ne doit son existence qu' a l'ambition de son père qui en fait le porteur du démon sable. Sa naissance est pour sa mère une terrible épreuve. Avant de mourir, elle maudit le père de l'enfant et et donne à Gaara le conseil suivant : "n'aime que toi, ne te bats que pour toi". Craint pour le démon qu'il abrite, Gaara vit dans l'isolement. Son père prend peu à peu conscience de la menace qu'il fait planer sur le village et donne l'ordre de l'assassiner. Le groupe de tueurs comprend son oncle Yashmaru qui est le seul être humain ayant eu un peu d'empathie pour l'enfant son. Tous sont massacrés par Gaara qui, à partir de ce jour, applique à la lettre le voeu maternel. Il est alors élevé par sa tante materelle qui lui témoigne quelque affection. Elle aussi sera envoyée par le père de Gaara pour le tuer. Et elle aussi échouera. Mais avant de mourir, elle dit à Gaara toute la haine qu'elle éprouve pour lui, et laisse planer l'idée que sa mère le haïssait également. Gaara, de ce jour, ne se reconnaît aucun lien et aucun autre but que de tuer.

Après un combat homérique contre Naruto, Gaara changera et deviendra un des gardiens de son village natal.

On reconnaît là assez facilement une variante du mythe œdipien : un enfant exposé par son père lui survit et finit par se retourner contre lui ou ses représentants. Mais Gaara va bien plus loin qu'Oedipe car il met en scène des angoisses très prodondes :angoisse de chute sans fin, de liquéfaction, d'engloutissement, d'anéantissement, angoisse de ne plus être humain, de perdre des liens primordiaux, angoisse de ne pouvoir être touché par aucun sentiment ou idée, angoisse d'être enfermé dans sa propre personne.

Ces angoisses ne se retrouvent pas uniquement dans des des états très dégradés de la personnalité. On les rencontre également dans un état aussi banal que l'adolescence. Car, qu'est ce qu'être adolescent si ce n'est être soumis à l'exigence de changer tout en restant soi, de voir se modifier son corps, d'acquérir un nouveau pouvoir - celui de la procréation - qui change totalement ce que "aimer" veut dire ? Gaara illustre bien la situation d'un adolescent qui arrive a sortir des solutions défensives mutilante qu'il s'est construit du fait d'une succession de traumatismes. Ils sont ici réels mais ils pourraient tout aussi bien être imaginaires. C'est sans doute pour cela qu'il est un des personnages les plus apprécié de la série