jeudi 19 juillet 2012

Le (shonen) manga comme voyage initiatique

sharingan-types-wiki-562Le shonen manga est le type même du voyage initiatique. L’histoire décrit l’évolution d’un personnage au travers d’une succession d’épreuves. Ce qui est souvent interprété comme violence est une représentation des conflits et de leurs issues transformatrices. La compréhension que le héro à de son monde est de plus en plus fine et de plus en plus symbolique. Il est initié, c’est à dire qu’il ne voit plus le monde comme ce qu’il se donne à voir. Ses yeux sont grands ouverts au-delà des apparences et du sensible.

Ainsi, de son combat avec Naruto, Gaara comprend qu’il y a d’autres voies que la violence et la haine. A partir de là, il devient capable de devenir pour son village entier une figure protectrice.

L’errance de Sasuke Uchiwa et sa soif de vengeance le conduisent à obtenir des pouvoirs de plus en plus puissants. Pour cela, il est prêt à toutes les compromissions, tant il est persuadé que sa quête est juste. Sa montée en puissance correspond a une maitrise de plus en plus grande de son pouvoir héréditaire, le sharingan. L’approfondissement des aspects de ce pouvoir est une façon d’approfondir ce dont il a hérité. Le sharingan est un pouvoir terrible qui permet entre autres de modifier la réalité perçue et vécue par l’autre. Du point de vue du héro, cela signifie qu’il doit faire un travail important pour se déprendre des perceptions que les autres, et principalement ses parents,

Cela lui permet d’aller au-delà de la première scène traumatique vécue dans son enfance et qui alimente sa soif de vengeance. Il y voit de plus en plus clair. Il acquiert une meilleure compréhension des responsabilités des uns et des autres. Il apprend, et le lecteur-spectateur avec lui, qu’en termes de psychologie, qu’il n’existe pas de vérité définitive au sens de vérité dernière. Ce que ses yeux d’enfants ont vu est une réalité du point de vue d’un enfant, mais il en est d’autres, tout autant valables. S’il doit se déprendre du regard de l’autre, il lui faut aussi faire un retour par les yeux de l’autre pour se déprendre de ses propres préconception. Ce travail de transformation est rendu par les transmission de pouvoirs et de “l’oeil du sharingan” tout au long de l’histoire de Sasuke et de celle des Ushiwa.

Finalement, au terme de son évolution, la position de Sasuke Ushiwa ne peut plus se cacher derrière une motivation aussi simple et infantile que “venger ses parents”

Les combats des Shonen Manga, même les plus sanglants comme ceux de Ken le survivant, sont symboliques des batailles que chacun doit mener dans son espace interne. Ils figurent les difficultés et les angoisses proprement humaines. Elles sont une manière de s’en approcher et de le apprivoiser en les “euphémisant” (Durand, 1960) et en indiquant les moyens de les surmonter. A ceux qui s’en inquiètent un peu trop, on peut rappeler que  l’image angoissante est toujours moindre que l’angoisse qu’elle représente.

pdf-file-logo-icon (1)F. Vincent, 2009, La structure initiatique du manga. Une esquisse anthropologique du héros.

mercredi 29 février 2012

Naruto tricktser

Le tricsker est une figure que l’on retrouve dans toutes les cultures. Il est Legba chez les  Yoroubas, Goupil chez les Français, Leuk chez les Wolof, Prométhée chez les anciens grecs, Krishna chez les Indous

Il se tient aux frontières du groupe, de la bienséance, de la vie, de la culture. Lewis Hyde lui a consacré un livre magnifique et il en donne six caractéristiques principales : il est ambigu et amoral, trompeur et joueur de tours, changeforme, modificateur de situations, messager et imitateur des dieux, et divin fripon

Par ses actions, le Trickster modifie profondément les choses. Le jeune Krishna vole du beurre à sa belle mère dans un mouvement de voracité et met éhontément lorsqu’on lui demande s’il est celui qui a pris le beurre. Le menton et les lèvre brillantes, il répond “Mère, dis moi, si cela est notre maison et que nous possédons tout ce qu’elle renferme, comment pourrais-je voler le beurre ?”. Ainsi,; de la question du vol, on passe à celle de la propriété et de là question de savoir si l’attachement aux choses matérielles est importante. Sur le plan symbolique, la voracité dont il fait preuve montre que tout dans le monde sensible ne se soutient que de l’infini du monde invisible.

Ces caractéristiques s’appliquent parfaitement à Naruto dont l’appétit sans fin est bien connu. Chez Ichiraku, seul Chôji peut avaler autant de bols de ramen que lui. C’est également un enfant braillard, désordonné et irrespectueux. Au combat, il est totalement imprévisible, et d’aucun comme Shikamaru Nara diraient même qu’il est irresponsable.

Le trickster est un être ambigu et anormal

Naruto commence ses aventures en marge de son village. Il est évité par les adultes et les autres enfants. On le voit souvent sur une balançoire, au milieu d’une foule d’adulte indifférente à sa personne. Il est le seul à avoir échoué à l’examen des Chuunin. Mais son exclusion est particulière. Il est comme enfermé dehors. En effet, il  est à l’intérieur de la communauté uniquement pour mieux en marquer les limites. Il est à la fois un des membres du village de Konoha et un étranger total. L’amoralité de Naruto transparait dans son Sexy Jutsu c’est à dire la technique qui lui permet de prendre l’apparence d’une femme nue, et surtout dans le fait qu’il n’a pas hésité a l’enseigner à Konohamaru alors qu’il n’était qu’un enfant

Le trickster est un trompeur et un joueur de tours

I'm Naruto Uzumaki! What I like is ramen, especially the kind at the Ichiraku Ramen shop. What I dislike is the three minute wait after you pour in the boiling water. My hobbies are eating ramen. And my dream... is to be the next Hokage!

Tout ce que fait Naruto est hors norme. Il est braillard, vaniteux, suffisant Naruto ne respecte rien. Il n’hésite pas à écrire de graffiti sur les murs du village de Konoha.

Il vole, fait sans cesse les pires plaisanteries et est irrespectueux envers ses professeurs. Il peut prendre l’apparence d’une superbe femme avec son Sexy Jutsu pour déstabiliser son adversaire.  Enfin, il peut être victime de ses propres tours car ses brailleries lui apportent en retour

Le trickster est un changeforme

Naruto est un changeforme. En cas de nécessité, il se transforme en démon renard. Cette capacité à se transformer va jusqu’a poser la question de son essence. Lorsqu’il se transforme pour la première fois en Démon Renard à Neuf Queues, Sasuke s’exclame : “Naruto, mais qu’est tu exactement ?!” Naruto réussit en effet à changer de forme et à rester lui même. Même sous l’emprise du Démon  Renard, il reste Naruto. A moins que son tour ultime soit d’être un Démon Renard qui se fait passer pour Naruto ?

Le trickster change les situations

Avec Naruto, la seule certitude est que les choses ne resteront pas en l’état. Il peut faire échouer le plan le mieux préparer par une action précipitée. Mais il se révèle aussi plein de ressources lorsque tout espoir est abandonné. Il met fin aux rituels et aux croyances. Il interrompt le rituel d’extraction de l’Akatsuki et remet en cause l’ordre social, en commençant par l'ostracisme qui lui était opposé. Par  sa force de caractère, il force l’admiration et change la vie de tous ceux qui l’entourent. Après l’avoir combattu, Gaara devient enfin capable de sollicitude et peu occuper les fonctions de protection auprès de son village que ses grands pouvoirs

Le nombre de personnes transformées au contact de Naruto est tout simplement extraordinaire : Gaara, Lee, Inata, Neiji… jusqu’au terrible Pain. Tous sont finalement frappés par son courage, son abnégation, son sens de l’amitié, et la solidité des liens qu’il forme avec les autres

Neiji : Naruto, you saved me from the darkness

Inata : Oh...umm...When you cheered for me...I felt like I had become stronger... After the preliminareies ended, I started liking myself a little more... To other people it may not seem like I've changed much but.. I... Felt like I was able to change... It was thanks to you Naruto-kun

Comme tous les tricksters, Naruto a le pouvoir de transformer le sens des situations. Lorsque l’Ermite Pervers  lui dit qu’il l’entrainera après qu’il lui ait apporté quelque chose qu’ “il aime par dessus tout et qui est mur, délicieux avec de belles formes, gros mais pas trop gros”, Naruto lui apporte… une pastèque.

Le trikster est un bricoleur

Le coté bricoleur de Naruto se note dans la rapidité avec laquelle il peut apprendre les techniques les plus compliquées et la façon dont il les fait sienne. Il ajoute toujours un petit quelque chose de son cru, ce qui donne à ses pouvoirs des tours toujours surprenants. Son esprit inventif lui fait trouver des solutions parfois inattendues mais qui finalement fonctionnent. Son “travail de sauvage” peut prendre des colorations lubriques avec son son Sexy Jutsu . Plus banalement, il  bricole les techniques qui lui sont transmises en ajoutant son génie comme lorsqu’il associe une technique de multiclonage au Rasengan

vendredi 12 mars 2010

Naruto est-il un enfant résilient ?

Le terme de « résilience » est d’abord un terme de métallurgie. Il s’agit du procédé utilisé par les métallurgistes de Damas qui avaient découvert que pour durcir les épées, il fallait les ramollir au feu puis les refroidir brutalement en les plongeant dans de l’eau. L’acier obtenu ainsi par trempage était beaucoup plus solide.

Le terme a été importé en psychologie par un psychanalyste américain, Fritz Redl sous les termes d’ « ego resillience » et de « invulnerable children ». Les américains l’ont surtout employé dans le sens d’une compétence sociale. La définition en est restée assez générale qu’il s’agit parfois d’un trait, d’un résultat ou d’un processus. On parle parfois de capacité à être heureux (Jeanne et Jack Block), puis à partir de là, on est passé à la capacité à être heureux malgré les épreuves. La personne résiliente est alors celle qui sait faire d’un malheur quelque chose de merveilleux (Cyrulnik, Un merveilleux malheur, 1999)

Naruto est il un enfant résilient ? A-t-il su faire des merveilles de son malheur ? Après tout, il s’agit d’un enfant passé par des moments difficiles et même douloureux. Il est élevé dans l’absence de ses parents, et mis à l’écart par tout son village. Il devra attendre sa douzième année pour apprendre pourquoi il était l’objet d’un tel traitement et la vérité ouvre sur d’autres souffrance : nul ne devait lui dire qu’il portait en lui le terrible démon renard qui avait dévasté son village. Bref, Naruto est orphelin, craint et détesté par tout son village, porteur du responsable de la mort de ses parents. Pour un enfant, cela commence à faire vraiment beaucoup ! Pourtant, malgré cela, Naruto reste un enfant jovial. On serait tenté d’en faire un enfant « invulnérable », un de ces enfants qui sait rebondir malgré les difficultés. Bref, un enfant résilient ?

On doit sans doute l’étude la plus complète sur les facteurs de résilience à Masten et Coastworth. Ils distinguent 1. les ressources internes de l’individu ; 2. les facteurs de protection familiaux et 3. les facteurs de protection extra-familiaux.

Comme ressources internes Pierre, Masten et Coastworth indiquent le fonctionnement intellectuel, l’estime de soi et les compétences relationnelles. S’il est difficile d’évaluer le quotient intellectuel de Naruto, est ils assez évident qu’il est loin du génie d’un Shikamaru et que sa capacité à planifier les problèmes est proche du zéro. Il bénéficie par contre d’une excellente estime de soi : il ne doute pas de devenir leur meilleur ninja de son village et parfois on s’inquiète même tant cette certitude semble confiner au délire des grandeurs.

Pour ce qui est des compétences relationnelles, on ne peut pas dire que Naruto soit d’un tempérament facile. Faire équipe avec Naruto, c’est sans cesse être à la remorque d’un excité qui fonce tête baissée dans les pires traquenards. Pour ce qui est des facteurs de protection familiaux, on ne peut que constater leur absence. Naruto est pris en charge par différents maitres lorsqu’il commence sa formation, mais avant ses 12 ans, il semble avoir été laissé à l’abandon. Il n’a pas bénéficié de relations chaleureuses avec des parents structurants, soutenants et compétant, ne semble pas pouvoir s’appuyer sur d’autres membres de sa famille, ignore tout des relations que ses parents entretenaient entre eux. Dans ce contexte, l’arrivée de maitres bienveillants, arrivant à contenir son énergie infinie, lui sont sans aucun doute une aide précieuse.

Enfin, pour ce qui est des facteurs extra familiaux, les bonnes relations avec le monde des adultes n’est pas le trait qui caractérise le plus Naruto. On le voit davantage en bute avec toutes les formes d’autorité, explorant avec entêtement ses propres idées et poursuivant sans relâche son idéal : devenir Hokage !

Si l’on s’en tient aux facteurs de résilience tels que les définissent à Masten et Coastwort, Naruto est vraiment loin du compte. Il ne dispose ni des ressources internes ni des ressources relationnelles qui lui permettraient d’être résilient. Son environnement familial est réduit à néant et il n’a pu compter sur des ressources extra-familiales qu’à partir de son entrée à l’école des ninjas. Le comportement de Naruto fait plus penser à celui d’un délinquant qu’à un enfant pleinement inséré dans sa société : le premier épisode de l’anime s’ouvre d’ailleurs sur un vol de Naruto[1]

Il est un enfant qui est parfaitement inséré : c’est Sasuke. Il est d’ailleurs le symétrique inversé de Naruto. Naruto est braillard, Sasuke est taiseux. Naruto est vaniteux, Sasuke est modeste. Naruto est indisciplé. Sasuke est bien mis. Naruto est débraillé. Sasuke est appliqué.  Mais Sasuke partage avec Naruto d’avoir une histoire douloureuse : tout son village a été détruit, par son frère qui plus est. Son hyper adaptation cache en fait une haine féroce contre celui-ci. Sous l’élève obéissant et brillant, se sommeille un monstre de vengeance qui sacrifiera tout à son but.

En fait, Sasuke et Naruto sont deux destins possibles face à un traumatisme. Sasuke illustre de développement d’une hyper adaptation et l’enfouissement profond d’éléments affectifs qui restent pourtant actifs. Ils sont juste contenus dans une partie séparée de l’appareil psychique. L’adaptation peut être remarquable même si l’aménagement du traumatisme se fait parfois au détriment de l’entourage de la personne. Ainsi, Sasuke semble être incapable du moindre mouvement d’affection vraie alors que Naruto semble alors être au contraire dans une dépendance affective à son égard

On retrouve ici le vrai sens du mot résilience. On se souvient que l’acier trempé est plus solide parce qu’il a été un moment ramolli. Ce qui est importe ce n’est pas tellement de résister au traumatisme que le fait de pouvoir être transformé. Ainsi, au Japon, les caténaires s’usaient plus rapidement qu’en France parce que la distance entre deux pylônes était exactement celle des spéciations technique ce qui provoquait un phénomène de résonnance. Le fait d’introduire un peu d’imperfection dans le système a résolu le problème. Dans le domaine informatique, le bit de parité a été inventé par le mathématicien Hamming pour résoudre les problèmes de transmission. Il en est de même pour les psychés

Tout aménagement trop parfait d’un traumatisme doit être suspectée d’être pathologique : il cache soit une absence totale d’élaboration, soit une mise au secret dans les profondeurs du psychique. Tout Naruto est en fait une succession de portraits psychologiques de traumatisés : Naruto, Sasuke, Gaara, Sasori, Neiji… la liste des enfants ninja devant élaborer les traumatismes des générations passées est longue.

Voir aussi : Serge Tisseron Ces mots qui polluent la santé. Résilience ou la lutte pour la vie. http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/TISSERON/10348


[1] Comme nous le verrons, il s’agit en fait d’une tentative de Naruto de se réapproprier son histoire : ce qu’il vole ce sont les techniques secrètes de son village.

dimanche 8 novembre 2009

Les combats de Naruto

Je me suis intéressé aux graphes que l’on peut dessiner à partir de l’anime et du manga Naruto. Pour ce graphe, chaque personne est représenté par un sommet et chaque combat est représenté par un vecteur. La relation est symétrique, c’est à dire qu’il est indifférent de savoir si c’est Naruto qui se bat contre Sasuke ou Sasuke qui se bat contre Naruto.

J’ai retrouvé 176 combats : la liste ne comprend pas les combats de Naruto Shippunden; elle est donc à compléter. Mais elle est suffisante pour faire quelques observations.

1. les combats sont très souvent uniques. Il n’y a guère que quelques personnages qui s’opposent à plusieurs reprises.

2. Comme on pouvait s’y attendre Naruto et Sasuke sont ceux qui accumulent le plus de combats (21)

3. Naruto et Sasuke sont les personnes les plus proches du graphe.

4.Chouji et Sai sont les personnes les plus éloignées du graphe.

5. Le cœur du graphe est constitué de Naruto, Sasuke, Kabuto, Sai, Oroshimaru.

 

Les cartes avec Pajek : Energy Kamada-Kawai 

La carte des 176 combats est la suivante. La taille des sommets dépend du nombre des combats. En zoomant, vous verrez que le nom de certains protagonistes m’a échappé. Si vous pouvez aider ma mémoire défaillante, n’hésitez pas à laisser un commentaireNaruto fights network Pajek

 

 

Les cartes avec Pajek : Energy Kamada-Kawai 

Un aperçu du core k=4

Naruto fights network Pajek

 

Les cartes avec NodeXL  : Fruchterman-Reingold

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Les cartes avec NodeXL : Circle

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mercredi 28 octobre 2009

Gaara ou la dépression psychotique

Genre mineur d'un genre mineur, les mangas ont longtemps été méprisés. Pourtant, ils présentent finement sous un mode dramatisé les difficultés d'évolution ou des impasses psychopathologiques que chacun est à même de rencontrer

Voici Gaara, un des héros du manga Naruto. Il y fait une entrée remarquée : démarche lente, économie des gestes, une immense jarre attachée dans le dos, des grands yeux cernés de noir. C'est un de ces adolescents dont on sent immédiatement la dangerosité. D'ailleurs, il le dit lui même : il ne vit que pour tuer. Et il ne combat que pour lui. Les autres sont pour lui au mieux des futures victimes. Généralement, il n'éprouve pour le monde qu'indifférence. Il a pour lui arme redoutable. De sa jarre s'échappe du salble qui peut prendre toute les formes pour attaquer ses ennemis ou pour le protéger.

Gaara ne doit son existence qu' a l'ambition de son père qui en fait le porteur du démon sable. Sa naissance est pour sa mère une terrible épreuve. Avant de mourir, elle maudit le père de l'enfant et et donne à Gaara le conseil suivant : "n'aime que toi, ne te bats que pour toi". Craint pour le démon qu'il abrite, Gaara vit dans l'isolement. Son père prend peu à peu conscience de la menace qu'il fait planer sur le village et donne l'ordre de l'assassiner. Le groupe de tueurs comprend son oncle Yashmaru qui est le seul être humain ayant eu un peu d'empathie pour l'enfant son. Tous sont massacrés par Gaara qui, à partir de ce jour, applique à la lettre le voeu maternel. Il est alors élevé par sa tante materelle qui lui témoigne quelque affection. Elle aussi sera envoyée par le père de Gaara pour le tuer. Et elle aussi échouera. Mais avant de mourir, elle dit à Gaara toute la haine qu'elle éprouve pour lui, et laisse planer l'idée que sa mère le haïssait également. Gaara, de ce jour, ne se reconnaît aucun lien et aucun autre but que de tuer.

Après un combat homérique contre Naruto, Gaara changera et deviendra un des gardiens de son village natal.

On reconnaît là assez facilement une variante du mythe œdipien : un enfant exposé par son père lui survit et finit par se retourner contre lui ou ses représentants. Mais Gaara va bien plus loin qu'Oedipe car il met en scène des angoisses très prodondes :angoisse de chute sans fin, de liquéfaction, d'engloutissement, d'anéantissement, angoisse de ne plus être humain, de perdre des liens primordiaux, angoisse de ne pouvoir être touché par aucun sentiment ou idée, angoisse d'être enfermé dans sa propre personne.

Ces angoisses ne se retrouvent pas uniquement dans des des états très dégradés de la personnalité. On les rencontre également dans un état aussi banal que l'adolescence. Car, qu'est ce qu'être adolescent si ce n'est être soumis à l'exigence de changer tout en restant soi, de voir se modifier son corps, d'acquérir un nouveau pouvoir - celui de la procréation - qui change totalement ce que "aimer" veut dire ? Gaara illustre bien la situation d'un adolescent qui arrive a sortir des solutions défensives mutilante qu'il s'est construit du fait d'une succession de traumatismes. Ils sont ici réels mais ils pourraient tout aussi bien être imaginaires. C'est sans doute pour cela qu'il est un des personnages les plus apprécié de la série

dimanche 23 août 2009

Quelques thèmes du manga Naruto Uzumaki

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J'espère pouvoir sortir pour 2010 un livre sur Naruto Uzumaki. C'est en effet un manga explore des universels de la psychologie malgré un thème a priori banal : un enfant passe par des épreuves et traverse l' adolescence pour arriver à l'age d'homme.  Sur son chemin, il rencontre des figures tutélaires et d'autres plus funestes. A ce thème se mêle plusieurs autres, souvent donnés dans les arcs de l'anime. Ces histoires, qui peuvent sembler secondaires, apportent en fait des lumières sur la psychologie des personnages.

Plusieurs grands thèmes sont traités dans l'anime et dans le manga.

Un thème oedipien, avec les histoires de Naruto et de Gaara, l'une éclairant l'autre. Naruto réussit là ou Gaara, pour un temps, échoue. Malgré l'abandon qu'il a subit dans l'enfance, il a réussi à créer des liens avec d'autres enfants, et à éprouver des relations pleinement humaines. Il peut s'appuyer sur un mentor qui lui sert d'image idéale. L'Ermite Pervers peut d'autant plus facilement jouer ce rôle qu'il détient des éléments de l'histoire de Naruto

Le thème des secrets et de leurs effets sur les enfants est traité avec les figures de Naruto et de Gaara. L'un et l'autre sont des enfants-réceptacle. Dans l'anime et le manga, il leur occupant est un démon. Nous comprenons que nous pouvons être hantés durablement par les actes de ceux qui nous ont précédés. Les relations avec ce qui a été déposé en nous sont par ailleurs complexe : les secrets ne sont pas seulement des choses qui nous minent. Ce sont aussi des objets dont on peut paradoxalement tirer quelque force, réelle ou imaginaire.

Le thème des filiations est traité avec l'histoire du village de Konoha et de ses Hokage. La rupture dans l'ordre de numérotation des Hokage est évocatrice de l'impact dramatique des guerres : l'ordre symbolique est rompu. On retrouve ce fil avec la superposition des équipes Naruto, Sasuke, Sakura d'un coté et Oroschimaru, Jiraya et Tsunade de l'autre.

Le thème des groupes est traité avec les équipes de ninja. L'emboitement des histoires des différentes équipes a été cité plus haut. S'y ajoutent les rivalités classiques intrer et intra-groupes Toute la frérocité des relations fraternelles est donnée dans la relation compliquée qui existe entre Naruto et Sasuke. On retrouve également les thèmes de l'irruption de la sexualité dans les groupes, du don de soi pour la communauté et à l'inverse de la nécessité de préserver ce que l'on a d'unique. Le thème oedipien est repris puisque chaque groupe est dirigé par un ninja plus expérimenté. Les fantasmes ayant trait à la formation comme processus ambivalent qui forme et déforme sont donnés ici.

L'impact des traumatismes infantiles est traité pour tous les personnages principaux de la série : Naruto, qui se bat avec un secret, Sasuke aux prises avec une scène plus que traumatique et un désir de vengeance, Gaara fidèle à la prédiction maternelle aux prix d'une impossibilité de vivre un autre affect que la haine... les exemple de manquent pas. Ils sont si nombreux que les pouvoirs fantastiques de Ninja apparaissent comme des compensations de ces traumatismes. Pour le dire autrement, il faut les lire comme des symptôme de ces traumatisme

Le thème des transformations est omniprésent. Chaque ninja, par ses pouvoirs, nous donne a voir des transformations qui effrayent, nous fascinent ou nous émerveillent. En un sens, Naruto est avant tout une histoire sur l'image inconsciente du corps. On distingue en effet le schéma corporel - le corps dans sa réalité, avec ses branchements et ses innervations - et l'image du corps, qui est le corps perçu, consciemment et inconsciemment. Cette image du corps se construit dans les interaction que l'unité psyché-soma a avec l'environnement. Elle apparaît dans les rêves ou les productions imagées comme les mangas. Naruto semble s'en faire une spécialité : les corps ses gonflent, se déforment, se dédoublent, se reforment. Ils explosent, s'allongent ou rétrécissent. Ils ont des apparences qui peuvent être terrifiantes, a mi chemin entre l'homme et l'animal. L'intérieur des corps peut se donner lieu à quelques surprises : corps vides, gigognes, ou habités par un terrible démon. On a là quelques éxemples d'images du corps telles qu'elles peuvent être fantasmées dans la névroses et vécues dans la psychose : Gaara  est une parfaite illustration de l'autisme carapace décrit par F. Tustin; les visages sans nez ni bouche évoquent la perte du museau par arrachement décrit par G.Haag, les démembrement les angoisses de morcellement, les changements d'identité avec ou sans changement de forme correspondent aux deux fonctions de l'image du corps de G. Pankow, les réceptacles sont des illustration des cryptes de N. Abraham et M. Torok

Le thème des pactes et des alliances est traité avec la famille Hyuga dont les deux branches sont liées de façon mortifère : tous les membres de la seconde branche doivent être prets a donner leur vie pour ceux de la première. Et s'ils ne sont pas prets, cela n'a pas d'importance, puisqu'ils peuvent être sacrifiés sans que leur avis ne soit demandé.

Naruto condense les thèmes de l'enfant mal accueilli et du nourrisson savant (S. Ferenczi). C'est un enfant tout puissant qui doit apprendre a maîtriser les forces qui sont en lui et l'héritage qui lui a été légué.

L'environnement, par les destructions qu'il subit ou par ses lieux (grottes, ponts, chutes d'eau, rivières etc.) est un personnage important de la série. La nature de Naruto est profondément shintoiste. Elle est majestueuse, domine les humains par sa stature comme les visages des anciens hokage dominent Konoha. Elle est marquée par les combats des hommes - les arbres sont brisés, les forets se désertifient, des zones sont inondées - mais semble également être pourvue d'un pouvoir regénérateur infini. Finalement, elle ne garde aucune mémoire des activités humaines, et elle se referme toujours sur elle même.

On voit que les thèmes sont suffisamment nombreux pour que chaque lecteur trouve celui qui va entrer en résonance avec sa problématique du moment.

 

 

dimanche 12 avril 2009

Premières rencontres avec Naruto

Ma première rencontre avec Naruto a été décevante. Je me souviens d'un combats de personnes juchées sur d' énormes animaux : un crapaud, une limace, un serpent. L'anime n'a pas retenu mon attention. Une seconde rencontre a été plus marquante : des adolescents combattent dans une arène circulaire. Au sol, un tapis herbeux clairsemé. Je suis très impressionné par la puissance des coups échangés, et les marques que laissent les jeunes ninja dans le sol.

C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à m'intéresser l'histoire de Naruto Uzumaki. Je suis allé de surprise en surprise. Non seulement, l'anime et le manga me rappelaient les super-héros de mon enfance, mais j'y trouvais mis en images des éléments de psychologie individuelle : des traumatismes précoces, leurs élaborations, des dynamiques de groupes, des histoires transgénérationnelles.

Je découvrais également qu'avec certains de mes patients,  Naruto pouvait servir d'intermédiaire. Par exemple, sur le chemin qui le mène de la salle d'attente à mon bureau, un enfant fait le jutsu d'invocation de Gamabunta. Je lui fais remarquer qu'invoquer une créature aussi puissante pour un rendez-vous laisse  imaginer qu'il le juge assez dangereux. Il nie le danger, mais un lien entre le thérapeute et l'enfant est créé. Il permettra de parler de pouvoirs extraordinaires, d'invocations interdites et autorisées et de la difficulté de leur étude. Naruto servira ici de médiateur et permettra à l'enfant de parler métaphoriquement au thérapeute de ses difficultés d'apprentissages. 

Un autre enfant fera sa psychothérapie en bande dessinée en s'appuyant sur le symbiote de Spiderman  puis sur Dragon Ball puis enfin sur Naruto Uzumaki dont je découvrirai qu'il est un expert extraordinaire. Rien ne lui échappe, ni les bagues de l'Akatsuki, ni le nombre de queues du démon renard, ni les techniques complexes de Shikamaru. C'est d'ailleurs à ce dernier qu'il s'identifie : il vit dans un monde ou, pense-t-il, toute difficulté peut être résolue grâce à la force de la pensée pure.

Certains enfants ne peuvent pas faire usage de la métaphore. Ils sont davantage intéressés par les pouvoirs extraordinaires de Naruto. Il faut dire que le manga est de ce point de vue d'une grande richesse. Manipulation des éléments, invocation de créatures, changements de formes, contrôle du corps ou de l'esprit de l'autre... il semble qu'aucun fantasme ni aucune angoisse n'échappe à l'imagination de l'auteur.

Chacun, bien évidement, a son personnage préféré. Et bien évidement, ce choix est profondément lié à des positions inconscientes. Le type de pouvoir, sa forme, ses effets sur les autres et sur soi, la primauté donnée à l'attaque ou à la défense, parlent à chacun des parler des liens imaginaires et inconscients qui le relient aux autres et à soi.

Tout Naruto semble être une extraordinaire machine à raconter les voies de subjectivation dans leurs réussites comme dans leurs échecs. C'est là une invitation qui semble être faite pour un psychanalyste.